La planète des singes ou l’importance de connaître l’histoire des langues minoritaires

Ce que les langues minoritaires peuvent apprendre d'un mème.

Jeanne Durrieu

12/11/20233 min read

Dans un monde où les langues minoritaires ont été isolées pendant trop longtemps, il est crucial de bâtir des ponts entre elles afin d'apprendre l'une de l'autre.

Certains d’entre vous ont probablement déjà vu le fameux mème « Apes together strong » (singes ensemble forts), un mème tiré du film La planète des singes* exprimant à sa façon le bon vieil adage « l’union fait la force » que plusieurs pays ont repris comme devise. Mais, quel est le rapport avec les langues minoritaires?

Après tout, n’est-ce pas la caractéristique première d’une langue minoritaire d’être isolée et, par définition, d’être marginalisée? Effectivement, une langue minoritaire fait face à une autre langue comme le français, l’anglais, le mandarin ou l’espagnol qui semble parfois la couper du reste du monde.

"Chaque langue pense vivre cette oppression seule."

On remarque d’ailleurs souvent qu’une certaine honte étouffe ces langues qui finissent par s’éteindre, faute de fierté. Il y a quelque chose de particulièrement intéressant dans ce processus. Chacune de ces langues vit quelque chose d’unique et d’universel à la fois. Et le problème, c’est que chacune pense vivre cette oppression seule.

Prenez le breton par exemple. Saviez-vous que les enfants bretons ont été humiliés et parfois battus pour avoir osé parler leur langue à l’école? Saviez-vous qu’on a dit du breton qu’il ne s’agissait pas là d’une véritable langue mais plutôt d’une abomination linguistique? Saviez-vous que des parents ont préféré faire s’éteindre avec eux leur langue plutôt que de risquer de nuire au statut social de leurs enfants?

Et maintenant, saviez-vous que toutes ces mêmes dynamiques ont aussi eu cours en occitan, en gallois, en français louisianais et en quechua? Aux quatre coins du monde, ce même discours a été tenu. Partout, des locuteurs ont ressenti cette honte d’être né en parlant la pire langue qui soit. Et, terrifiés par cet état de fait, ils ont dissimulé leur langue et se sont excusés de la parler.

Que se serait-il passé si ces mêmes locuteurs avaient vu que les mêmes mots étaient dits à des langues qui ont gagné des prix Nobel pour leur littérature? S’ils s’étaient aperçus que leur langue n’était pas le problème, mais que le messager l’était?

"En connectant les langues minoritaires aux quatre coins du monde, chacune sera plus forte."

C’est précisément ce que les Éditions Beluga veulent découvrir. Nous sommes convaincus que l’union fait la force, que le savoir est le pouvoir et qu’en connectant les langues minoritaires aux quatre coins du monde, chacune sera plus forte.

Nous croyons en la nécessité de déconstruire tous les discours adressés aux langues minoritaires, de les analyser pour ce qu’ils sont et de comprendre que la grammaire occitane, le vocabulaire sicilien ou la prononciation cadienne n’ont jamais été le problème. Et aujourd’hui, plus que jamais, c’est possible. Le monde est plus connecté qu’il ne l’a jamais été et, à travers Internet, chaque langue minoritaire a un espace neutre où s’exprimer et partager son histoire. Un espace où la langue majoritaire qui noie leur voix n’a plus d’emprise sur eux.

De plus, l’union entre toutes ces langues auparavant isolées permet également de voir ce qui a marché, ce qui n’a pas marché. Chaque langue luttant pour sa survie peut nous en apprendre plus sur la façon dont meurt une langue, mais surtout comment elle peut revivre. Partout à travers le monde des gens se sont battus et certains ont réussi. Des langues ont été extirpées d’un état proche de la mort pour être aujourd’hui une langue officielle parlée par des millions de personnes. D’autres langues n’ont pas su comment se sauver elles-mêmes et ont fini par disparaître tragiquement.

"La honte n'a pas à être dans notre camp."

Alors partagez votre langue, parlez de son histoire, de ce qu’elle a traversé pour être encore là aujourd’hui. Parlez des bons coups et même des mauvais. La honte n’a pas à être dans notre camp. Ce qui est arrivé à notre langue n’a rien à voir avec ses imperfections, nous sommes des millions à avoir vécu la même chose.

Il est temps d’en parler.

*Par un certain hasard de l’histoire, la planète des singes est, à l’origine, un livre écrit par Pierre Boulle, un auteur d’origine occitane.